Raconte-moi ton histoire!

Je suis arrivé en Suisse comme réfugié politique à l’âge de 6 ans avec ma mère et ma sœur, mon père étant décédé sous la torture en Argentine. Ma famille a été poussée de pays en pays en Amérique du Sud et en Europe. Nous avons aménagé finalement à Meyrin où j’ai passé ma jeunesse. Ma mère me disait souvent que c’était provisoire, car on a dû attendre très longtemps avant d’obtenir enfin un permis de séjour. Depuis lors, les lois sur l’asile ont encore été durcies…

Ce parcours m’a orienté naturellement vers la politique et j’ai été initié à l’écologie par des lectures et des personnes de mon entourage, notamment Pierre-Alain Tschudi. J’ai siégé au parlement des jeunes de Meyrin jusqu’en 1996. En 1997, je suis élu au Grand Conseil, le plus jeune député et par la suite, au Conseil National où je siège jusqu’en 2013. J’entre alors au Conseil d’État.

Ma sensibilité politique peut se conjuguer en trois axes:

  1. Le respect des limites planétaires, de la nature et de l’environnement
  2. La solidarité au sein des sociétés et internationale entre les peuples
  3. La défense de la liberté individuelle, la liberté de parole, de choisir son existence et la reconnaissance de chaque individualité.

Comment imagines-tu notre futur, avec pessimisme, optimisme, y-a-t-il encore de  l’espoir?

Je pense que les Vert-e-s ont eu historiquement le rôle de «lanceurs d’alerte» concernant les questions environnementales, notamment climatique, et qu’aujourd’hui plus personne ne peut les nier. Cependant, il faut faire attention de ne pas tomber dans un discours trop catastrophique et anxiogène, car je ne suis pas sûr que cela mobilise réellement les gens. Ça peut parfois même provoquer l’effet opposé. Au contraire, il faut aujourd’hui donner un message autour de l’écologie de l’espoir afin de donner des perspectives enviables qui suscitent la mobilisation.

Nous devons avoir un propos plus optimiste, pas sur les faits qui sont clairs, mais sur la façon de changer de paradigme. Bien vivre en le faisant autrement, en partageant et en se suffisant de moins. La société de surconsommation, les vols low cost et la mal bouffe doivent être considérés différemment. Quand j’étais jeune, un vol en avion pour l’Espagne coûtait 700.-, on ne partait pas tous les week-end. On devait réfléchir, organiser nos vacances et on voyageait loin tous les 4 ou 5 ans, une fois le budget atteint. On n’était pas moins heureux pour autant. Un autre exemple: l’OMS propose de ne consommer que 15 kg de viande par personne par an pour des raisons de santé, alors que nous en sommes à 3 fois plus en Suisse. N’en manger que 2x ou 3x par semaine, c’est l’apprécier, c’est valoriser le moment et c’est bon pour la santé.

À la différence d’arrêter de fumer qui est un acte individuel, agir pour le climat n’est pas uniquement réalisable de manière personnelle. Il faut inciter les entreprises, les sociétés à faire aussi leur part du travail pour qu’ici, ailleurs, partout sur la Terre, les choses se modifient. C’est aux politiques de peser avec force pour changer les conditions-cadres et amener les grands bouleversements qui sont nécessaires. Inscrire une sobriété dans la mentalité, de manière active, mais pas trop sous la contrainte, avant que la vie et les événements nous y obligent, nous permettrait de vivre plus facilement ces changements qui sont de toute manière inéluctables. Une sobriété heureuse où chacune et chacun trouve son compte, voyage modérément, consomme localement, réfléchit en fonction de l’essentiel et invente des solutions qui préservent le futur le mieux possible.

Et pour la région de Bernex, Confignon et Champagne, comment envisages-tu son développement?

Pour être franc, j’étais contre le développement de ces périmètres en zone agricole, le déclassement du Nord de Bernex, comme contre les Cherpines. Ça a été décidé avant mon arrivée au Conseil d’Etat et maintenant je veux tout faire pour que cela se fasse de manière intelligente, en mixité emploi et logement. Chaque construction devrait se faire en pensant à offrir les services, les crèches, les commerces nécessaires afin de créer un nouveau lieu de vie. Les habitants de la Champagne devraient trouver une réponse à leur besoin dans leur secteur et ainsi éviter qu’ils descendent en ville pour chaque service. Les constructions offriront également des espaces, des lieux culturels, de rencontre, afin de favoriser la mixité de la population.

Bernex, avec son agrandissement, va devoir se réinventer. Trouver un centre, entre les vieux bâtiments de la rue de Bernex et les immeubles qui seront érigés sur le terrain déjà déclassé. La voie verte qui reliera Bernex Onex et Lancy va devenir une voie importante du trafic dans la région. L’espoir à moyen terme, c’est de diminuer le transit sur la route de Chancy par le Boulevard des Abarois et par la réduction générale de la circulation.